Arts Martiaux du Sud Est Asiatique
Comme pour de nombreuses disciplines martiales, l’historique des arts martiaux philippins tire ses racines de légendes, d’anecdotes, de croyances ou de faits de guerre.
Il repose malgré tout sur des faits historiquement « identifiés et enregistrés ».
Le peuple philippin
Les recherches paléontologiques et éthnolinguistiques tendent à démontrer que l’origine des habitants des Philippines est multiple.
Le peuplement de l’archipel s’échelonne sur 30 000 ans avec des vagues successives.
La première série de migration voit l’arrivée des Australoïdes, leurs descendants actuels sont les Negritos, BA tacs ou Eta, reconnaissables à leur pigmentation très foncée, et à des traits rappelant les aborigènes d’Australie.
La seconde vague de migration datant de 5 à 6000 ans est constituée de peuples que les anthropologues désignent par le terme « Mongole du sud » ou « Lay men » ou encore « Austronésien ».
La racine commune des langues de l’archipel est rattachée au type Austronésien. Il est intéressant de noter que chacun de ces groupes ethniques a conservé une culture guerrière très spécifique.
A l’arrivée des Espagnols, au 16ème siècle, les différents peuples des Philippines ont recours à des armes différentes d’une tribu à l’autre.
C’est dans ces vagues de migrations successives que l’on trouve la diversité des influences martiales : polynésienne, malaisienne, indonésienne, chinoise, japonaise, européenne et enfin, plus récemment, américaine.
Origines et influences
Elles peuvent être le fait de nombreux groupes ethniques, de tribus ou d’échanges avec des partenaires commerciaux.
Durant la dynastie Tang au 9ème siècle, il existe des relations commerciales entre la Chine, la péninsule Malaise et les Philippines.
A cette époque, les commerçants et immigrants de Chine amènent aux Philippines leur système de combat, le Kun tao Hakka. Ces systèmes, tout comme le Silat Malais, auront fortement influencé les Arts Martiaux philippins.
Majapahit
Deux principales vagues migratoires suivent, la première sous l’Empire Srividjayan, et la seconde à la fin du 13ème siècle sous l’Empire Majapahit.
Ces immigrants sont les ancêtres des Philippins musulmans de Mindanao et de Sulu. Au cours du 13ème siècle, l’Empire Javanais Majapahit s’étend jusqu’aux îles Maharlikas (nom des îles Philippines avant l’invasion espagnole).
Les guerriers Majapahit pratiquent alors leurs styles de Pencak Silat, le Tjakalele Silat indonésien et le Silat / Melayumalaisien.
Le Majapahit est l’âge d’or de la culture malaise, comprenant les régions appelées aujourd’hui l’Indonésie, la Malaisie, Brunei, le sud de la Thaïlande, le Cambodge, et les Philippines.
Les arts du Majapahit (arts martiaux du sud-est de l’asiatique)
– Les Arts Martiaux philippins (Kali, Arnis, Eskrima, Silat Kun tao) – Le Pencak Silat indonésien
– Le Seni Silat malaisien
– Le Muay Boran (boxe Thaï Traditionnelle)
– Le Krabi Krabong (système d’armes Thaï)
– Le Tomoi (boxe Malaisienne traditionnelle)
– Le Myanma yuya louvi (boxe birmane traditionnelle)
– Le Bokator cambodgien
L’influence Espagnole
En 1543 commence la colonisation des îles Maharlikas par les Espagnols, qu’ils nomment Philippines en hommage au Roi Philippe II d’Espagne.
Les Espagnols rencontrent de grandes difficultés dans leur volonté de soumettre les habitants de ces îles. Ils doivent avoir recours à leurs armes à feu pour faire régner l’ordre nouveau.
Ainsi, les îles ne sont sécurisées qu’en 1570. Lorsque la domination espagnole est finalement établie, les conquérants veulent bannir l’enseignement des arts martiaux, et en 1764, le port des armes blanches est interdit dans le but de faire cesser les attaques de soldats espagnols.
Le régime espagnol a recours à l’application de lois et de décrets royaux destinés à limiter voire à interdire l’utilisation des armes par les populations autochtones Les arts guerriers rentrent alors dans la clandestinité.
L’art du combat refait peu à peu surface, d’abord sous forme de danses rituelles, appelées « Sinulog » ou « Karenza ». Durant plus de trois cents ans d’occupation, de nombreuses escarmouches et batailles opposent colons et autochtones. A partir de ces expériences et d’observations, les systèmes de combat philippins évoluent, de plus en plus influencés par les techniques des espagnole et d’autres mercenaires européens (Italiens et Français).
Mais ce sera surtout l’art de la rapière (épée) et de la dague qui auront la plus grande influence.
On peut encore retrouver, dans de nombreux styles, les techniques « d’ Espada y Daga » sous la forme d’exercices avec un bâton et un couteau, ou d’une arme longue couplée avec une arme courte, ainsi que dans l’utilisation des angles d’attaque et dans certains concepts tactiques de déplacements et de distances. Cette influence se retrouve aussi dans l’utilisation importante de l’espagnol pour de nombreux termes techniques utilisés dans l’enseignement.
Indépendance des Philippines
Après la déclaration d’indépendance de la République des Philippines le 4 juillet 1946, les arts de combat perdent quelque peu de leur importance.
C’est seulement au sein de quelques familles que l’art du combat philippin continue à être pratiqué et enseigné. Après la seconde guerre mondiale, de nombreux Philippins émigrent en Amérique, notamment à Hawaï et en Californie où ils continuent à pratiquer et à transmettre l’art de leurs écoles.
Aux Philippines, les arts martiaux traditionnels se structure également. En 1954 l’Arnis est enseigné dans les lycées de Manille. En 1957 Placido Yambao, vétéran de plusieurs combats au stade olympique de Manille, écrit le premier livre sur L’Arnis.
En 1972, le gouvernement philippin inclut les arts martiaux philippins dans le « Palarong Pambansa » ou arène de sport national. Le ministère de l’éducation, de la culture et des sports l’intègre en tant qu’élément du programme d’études de l’éducation physique pour le lycée et les étudiants universitaires. La connaissance des arts martiaux philippins est primordiale parmi les groupes militaires et la police.
Promotion
Ce n’est qu’en 1969 que l’existence des arts martiaux philippins est révélée aux occidentaux par Donn F. Draeger et Robert W. Smith dans Asian Figthing arts.
En 1980, Dan Inosanto présente un ouvrage sur les arts martiaux philippins qui touchera un large public.
C’est aussi à partir de cette époque que l’on commence à désigner cet art martial sous le nom de « kali Eskrima », du moins en Europe et aux Etats Unis.
Les arts martiaux philippins commencent à se développer aux Etats-Unis puis au niveau mondial, notamment grâce aux recherches et à l’influence de Dan Inosanto.
Celui-ci va former de grands instructeurs au sein de l’Inosanto Académie de Los Angeles. Ces élèves, ainsi formés, parcourent le monde pour faire la promotion de ces arts et, à leur tour, former des instructeurs, dont de nombreux européens.
C’est en effet dans les communautés immigrées aux USA que l’eskrima va prendre son essor, grâce à des américains d’origine philippine tel que Dan Inosanto. Avec le développement des sports de combat, une nouvelle ère voit le jour, sans pourtant faire disparaître les formes anciennes.
Dans une culture où le combat reste une valeur sociale et l’art martial un enjeu d’identité social, c’est un symbole de rassemblement national.
On peut d’ailleurs considérer que le travail de ces « maîtres modernes » tend à sauvegarder l’essentiel des cultures martiales, même si reproche leur est parfois fait de l’avoir « adapté » au contexte actuel, ce qui semble toutefois être une nécessité pour un meilleur développement.
A l’international
L’année 1970 voit la création de la World Escrima Kali Arnis Federation (W.E.K.A.F), forme sportive mise en place par les frères Canete du Doce pares Eskrima, elle donnera lieu au premier championnat du monde à Cebu City en 1989.
Toujours dans cette volonté d’organisation et de développement, la création de l’ European Kali Arnis Eskrima Federation » EKAEF, est présidé par Bob Breen, l’un des tout premiers élèves européens de Dan Inosanto et pionnier du Kali et du Jeet Kune Do en Europe.
Dans les années 80, les représentants des différents écoles et styles forment les premiers instructeurs européens qui feront connaître ces disciplines au grand public.
Dès lors, les élèves instructeurs français des différents experts mondiaux et européens participent au développement et à la notoriété de ces disciplines en ouvrant des clubs, en organisant des séminaires ou la venue d’instructeurs de renommée, travaillant ainsi à organiser la pratique sur le sol français.
De ces initiatives vont naître différentes structures visant à développer la discipline.